Bruit cosmique
Vidéo & production sonore; 2022
Projet, concepts & oeuvres Pauline Hégaret
Le projet Bruit Cosmique est une recherche vidéo et sonore autour des interactions entre les ondes et leur fréquence avec les réactions phyto planctoniques.
On sait aujourd'hui que les phénomènes stellaires sont reçus jusque sur terre et que l'on peut les traduire en ondes sonore par sonification. La vidéo et la production photographique illustrent ces effets d'explosion et d'implosion qui sont les efflorescences planctoniques à l'échelle planétaire car elles s'étendent parfois sur des kilomètres carrés. La mission Rosetta qui était chargée d'observer la comète Tchouri a ramené un enregistrement sonore que j'ai inséré dans cette vidéo, un son ondulatoire ambigu qui rappelle sans conteste les chants de cétacés ou animaux.
Le matériel biologique est stimulé par diverses ondes dont des voix (la mienne et celle de mon père, biologiste) qui évoquent des mythes maritimes locaux. Comme dans leur environnement naturel, les micro-organismes sont soumis à des stimuli externes produits par ces ondes. Des formes géométriques lumineuses apparaissent à la surface de l'aquarium et révèlent une poétique du plancton, basée sur un mécanisme de défense. J'ai noté que lorsque les scientifiques observent au microscope les micro-organisme, ils développent une véritable affection envers ces derniers. En effet ces micro-organismes ont des organes de mouvement, des flagelles. Ils forment des trajectoires et ont des interactions. Ils vivent en groupe et parfois se battent entre espèces. Quand on voit les microalgues se mouvoir, on ne peut s'empêcher d'y voir de l'intentionnalité. La frontière entre animal et végétal est floue. D'autant plus que ces organismes sont mixotrophes, et ne sont donc plus considérés comme des plantes.
Il y a un trouble dans le taxon. Pour le spectateur l'œuvre est une source de satisfaction et de frustration. Ces mouvements fatiguent les micro-organismes et ces réactions à l'impact du son sont difficiles à comprendre. La problématique perçue est la difficulté d'organiser la synchronisation des cycles de vie inter espèces, et ajuster les temporalités humaines aux modèles écologiques & d'atteindre une conception symbiotique homme/animal (Haraway, 2020).
Installation vidéo & photographique "Bruit Cosmique" et aperçu de la série photographique "Narration lumineuse". 2022
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Narration lumineuse, 2022
Tirages photographiques sur papier avec encadrement, 44/25cm, 12 exemplaires
En 2022 on observe une tropicalisation de la mer Méditerranée tandis qu'en Bretagne des proliférations de micro algues toxiques de couleurs rouges et bioluminescentes se sont massivement développées avec le réchauffement global. La prolifération d'algues toxiques lors d'épisodes de "bloom" (ou d'efflorescence) est mondiale. Dans le Pacifique en 2022, au Chili l’eau pourpre cause la mort de millions d’animaux par hypoxie, tandis qu’en Californie la marée rouge produit des vagues bioluminescentes la nuit. Ces phénomènes sont causés par des variables tels que le réchauffement de l’eau, l'upwelling (remontée des sédiments en surface), les courants, rejets azotés (nitrate, ammoniaque, azote) liés aux activités humaines. En 2021, c’est le phénomène La Niña qui provoque le phénomène d’upwelling qui permet l’émergence de ces blooms aux dimensions vertigineuses.
Les théories de panspermie astrale postulent que les premiers organismes sont arrivés sur terre via les comètes et les météorites, chargées en matériel biologique. Cette hypothèse est apparue dans l'antiquité. La mission Rosetta a également prélevé du matériel biologique sur la comète Tchouri, venant étayer ces théories de transmission de la vie et des éléments par voie stellaire.
J'ai reproduis ces effets d'explosion en laboratoire sur du phytoplancton bioluminescent grâce à des ondes, puis j'ai mimé également les photographies des télescopes et leur colorimétrie. Les images reproduisent des série chronologiques d'implosion et d'explosion d'étoiles : supernovas et naines blanches et leur érosion en poussière et micro particules.
Des imaginaires technologiques projettent l'homme dans l'espace, et nombreuses sont les voix qui s'élèvent face à cette volonté de coloniser l'ailleurs alors que la biosphère semble menacée. Les scientifiques aujourd'hui étudient la faisabilité de la construction de nouveau horizons de vie humaine dans l'espace à partir des organismes premiers, bactéries et microalgues en circuit fermé. L'étude de ces organismes permet d'imaginer des futurs possibles ailleurs, également sur terre pour un travail de récupération ou résilience de certains environnements et territoires. Ce projet artistique met en exergue cet nouvel imaginaire, astrobiologique ou exobiologique.